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L’aide alimentaire par et pour les étudiants

Rencontre avec Hugo Rossigneux et Jeanne Pellen de l’association Cop1, lauréate du Prix de la Fondation Nestlé France

Créée en août 2020 pendant la crise du Covid-19, l’association Cop1 a pour objectif de favoriser le recours des étudiants à l’aide alimentaire. Un public touché par la précarité mais qui ne se sent pas toujours légitime à avoir recours à une aide en comparaison d’autres publics qui subissent des précarités plus sévères. Pour les encourager à solliciter l’aide alimentaire, l’association leur propose une aide taillée par et pour les étudiants.

Fondation Nestlé France : Comment COP1 agit-il au quotidien pour lutter contre la précarité étudiante ?

Cop1 – Solidarités Étudiantes : La spécificité de Cop1, c’est de proposer une aide par et pour les étudiants en organisant une aide alimentaire permettant de capter le public étudiant en situation de précarité. Notre action vise à répondre au plus grand nombre et ce sur tout le territoire national : l’année passée, nous avons réalisé plus de 500 distributions auprès de 45 000 étudiants présents dans une vingtaine de villes. 

Plus que de l’aide alimentaire, on cherche à créer des moments chaleureux et conviviaux : tout le monde peut nous solliciter, nos distributions sont dans des tiers-lieux, on met de la musique, les étudiants-bénévoles sont souriants… L’idée n’est pas d’imposer une bonne humeur exagérée mais de mettre à l’aise, de dédramatiser ce moment. On cherche aussi à proposer des produits de qualité : notre objectif est à terme de proposer 100% de fruits et légumes bio ou locaux dans nos paniers.
 

Plus que de l’aide alimentaire, on cherche à créer des moments chaleureux et conviviaux.

Cette aide alimentaire est notre porte d’entrée vers un accompagnement plus large et personnalisé. On propose un accompagnement à l’accès aux droits car les démarches administratives sont souvent très complexes et peu connues, d’autant plus pour les étudiants étrangers dont la langue maternelle n’est pas le français. On propose également des ateliers et activités, que ce soit en lien avec la culture, le sport, l’emploi, ou toute initiative qu’un étudiant-bénévole aurait envie de proposer pour ses pairs. Tous les ans, on réalise une enquête sur la précarité étudiante avec l’IFOP ; ce qui nous a surpris cette année, c’est que l’isolement social est tout aussi présent chez les étudiants non-précaires que les bénéficiaires de l’association : près de la moitié (46%) disent ressentir de l’isolement social « souvent ou toujours ». Les activités proposées permettent d’aller au-delà de l’urgence alimentaire et de créer du lien social entre étudiants.

Concrètement, quel type d’activité développez-vous pour répondre à ce besoin de créer du lien social ?

On a développé les Fest1, des ateliers cuisine qui réunissent un groupe d’étudiants pour cuisiner et manger ensemble, sans distinction entre étudiants aidants et étudiants aidés. Contrairement aux distributions où l’on peut accueillir jusqu’à 300 personnes, les Fest1 se font en comité restreint de 15 à 20 personnes, pour garder en convivialité et en proximité. Dans une logique d’horizontalité, les convives choisissent avec les bénévoles le menu qui sera cuisiné en fonction des produits distribués la même semaine. En plus du moment partagé, les Fest1 permettent d’apprendre des techniques pour cuisiner simplement et rapidement les produits distribués par l’aide alimentaire. Avec la part grandissante du local dans les produits distribués, on essaye de permettre aux bénéficiaires de s’approprier les produits locaux : dans le Nord par exemple, il y a beaucoup d’endives, il faut savoir les cuisiner !

Nos Fest1 permettent d’apprendre des techniques pour cuisiner simplement et rapidement les produits distribués par l’aide alimentaire.

Durant ces Fest1, on parle de nutrition, de santé, d’antigaspi… On est souvent contactés par des experts de ces sujets qui proposent d’intervenir directement lors d’un Fest1 mais on préfère s’appuyer sur leur expertise pour former nos bénévoles. On aurait peur de briser l’ambiance de convivialité et de simplicité si on adopte un discours du type « tel aliment c’est bien, tel aliment ce n’est pas bien ». Ce qu’on propose, c’est de partager un moment ensemble, pas d’imposer une logique de mieux manger. Toutes ces injonctions sur l’alimentation, beaucoup de jeunes les connaissent déjà mais ne peuvent pas les appliquer faute de moyens, ou ont simplement besoin de se faire du bien avec l’alimentation, de se libérer la tête.

En quoi vous retrouvez-vous dans les missions de la Fondation Nestlé France ?

Avec la Fondation, nous partageons cette idée que l’alimentation n’a pas qu’une dimension fonctionnelle de nourrir : c’est aussi de la convivialité, du partage, de la santé… Quand on a découvert le Prix de la Fondation, on s’est immédiatement reconnus : par la volonté de venir en aide au public des jeunes (ciblés par l’appel à projets) mais aussi par cette idée d’aller au-delà de l’aide alimentaire. Ça cochait toutes les cases de notre identité.

En tant que lauréat du Prix de la Fondation Nestlé France, vous bénéficiez d’un financement de 100 000 euros sur deux ans. À quoi vont servir ces fonds ?

L’intégralité des fonds va à l’ouverture et la pérennisation d’une antenne de l’association dans la ville de Toulouse, 4e ville étudiante de France. Nous sommes déjà présents dans 23 villes en France mais nous voulons couvrir toutes les villes où il y a des étudiants, les grandes villes comme les plus petites. Ça nous permet d’être un point de repère pour les étudiants : Cop1 est présent dans les territoires ultra-marins, où certains étudiants commencent leurs études avant de venir en France hexagonale les terminer. Ils sont alors très éloignés de leur famille, dans un environnement qu’ils ne connaissent pas. Cop1, c’est une sorte de point de repère pour eux, où ils savent qu’ils trouveront du soutien. 

Le Prix de la Fondation Neslté France va servir à l’ouverture et la pérennisation d’une antenne de l’association dans la ville de Toulouse, 4e ville étudiante de France.

Concernant Toulouse, nous avons été sollicités par les étudiants eux-mêmes pour venir. Il existe déjà des associations destinées aux étudiants sur place mais le nombre d’étudiants est tel que l’aide présente est encore loin de répondre aux sollicitations. Nous, on demande très peu de conditions d’éligibilité : un certificat étudiant ou une carte d’identité de -26 ans – car notre aide ne s’adresse pas uniquement aux étudiants mais à tous les jeunes, les jeunes éloignés des études ou de l’emploi étant souvent les plus précarisés. Notre arrivée à Toulouse permet donc d’accroître l’aide proposée. Dans notre philosophie d’action, on ne cherche pas à concurrencer l’aide existante mais à intégrer l’écosystème associatif déjà en place pour couvrir tous les besoins étudiants. Ne possédant jamais nos propres locaux, c’est grâce aux associations, tiers lieux, restaurants solidaires... que nous pouvons exister. Cop1 est de plus en plus connue, on est bien identifiés par les têtes de réseau, ça a facilité notre installation à Toulouse, où on a très bien été accueillis. 

Au-delà de l’installation, nous avions besoin de visibilité sur notre capacité à financer notre action, aussi bien l’aide alimentaire que l’accompagnement. Avec 200 paniers par distribution qui font chacun 6 à 8 kilos, il y a souvent des denrées à acheter. On reçoit beaucoup de dons mais ils sont insuffisants : depuis la loi Antigaspi, beaucoup de dons ont disparu au profit des « paniers à sauver » proposés aux clients des supermarchés. On est donc amenés à faire de plus en plus d’achats, surtout si on veut faire du bio et du local. Le Prix de la Fondation nous donne les fonds nécessaires sur deux ans. Et pour le futur, un financement en amène un autre : il nous permet de montrer aux services publics que l’on est fiables, que l’on travaille de manière professionnelle, et éventuellement susciter un nouveau financement.

L’antenne toulousaine a été inaugurée le samedi 15 février dans un bar associatif, l’Escabel, en plein centre de la ville. Dès l’ouverture, 1000 étudiants ont contacté Cop1 pour bénéficier d’une aide… Une demande que notre capacité d’accueil n’a pas pu satisfaire. On a tout de même réussi à augmenter la distribution à 300 paniers, en partie grâce aux étudiants recrutés en tant que bénévoles : ils étaient 75 ! Face à l’ampleur du besoin, on est reconnaissants de voir la jeunesse s’engager à la hauteur des défis de la lutte contre la précarité étudiante.

Inauguration de l'antenne à Toulouse avec une première distribution alimentaire à L'Escabel par Cop1 - Solidarités Étudiantes.

 En direct du terrain mai 2025