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Nestlé Céréales veut démocratiser l'agroécologie

Nestlé a emmené LSA dans une ferme céréalière de la Marne dont l'exploitant a rejoint en 2018 le programme Nestlé Préférence, qui s'inspire des principes de l'agroécologie pour produire mieux

Ici, c'est Remicourt ! Prononcez « Reu », pas Rémi-court, « même si un farfelu a mis un accent sur le panneau » à l'entrée de la commune, déplore Alain Deke-tele. C'est dans ce village d'une soixantaine d'habitants qu'il a grandi, à 45 kilomètres de Chalonsen-Champagne, dans la Marne. Une terre de grandes cultures, entre la plaine de Champagne et le massif de l'Argone. « J'ai fait ma première moisson avant de naître ! », sourit ce fils d'agriculteur qui cultive majoritairement du blé (80 hectares par an).

Alain Deketele est le seul salarié de son exploitation de 250 hectares, une bonne taille pour la région où les fermes font en moyenne entre 150 et 170 hectares. Une solitude qui ne lui pèse pas, sauf par temps de Covid. « Il y a des collègues que je voyais pendant les réunions de section de la coopérative et dont je n'ai pas de nouvelles », regrette-t-il. Alors la visite de Nicolas Delteil, le patron de Nestlé Céréales France, accompagné de Valérie Frapier, directrice communication et RSE du groupe coopératif Vivescia, fait du bien. Alain Deketele vend à la coopérative ses cultures valorisées auprès de clients, dont Nestlé (400 tonnes en 2019), via le programme Préférence, une charte où Nestlé s'engage sur des volumes sur plusieurs années, avec des primes et un accompagnement technique des agriculteurs. Ce n'est pas tant la prime (environ 2 000 € sur un CA de 200 000 €) que l'accompagnement qui a poussé Alain Deketele dans la démarche Préférence, lancée en 2016, et qu'il a rejointe en 2018. « Aujourd'hui, 100 % des besoins en blé complet de Nestlé Céréales viennent de cette filière », précise Nicolas Delteil.

Stockage à la ferme

C'est la première fois qu'Alain Deketele rencontre le directeur de Nestlé. En septembre dernier, il avait accueilli des membres de l'équipe marketing et achats avec d'autres agriculteurs du programme Préférence. Un moment de convivialité pour échanger sur les matières et les bonnes pratiques.

Même si les champs de blé en janvier tiennent de la morte plaine, Nicolas Delteil se laisse guider par son fournisseur qui lui désigne, accroupi dans la terre humide, les trous de ver de terre, ces autres grands travailleurs : « Il y en a tous les 10 cm, un gage d'un sol de bonne qualité et en bonne santé. » Le soleil est bas et peine à percer à travers les nuages, le vent s'est levé, la pluie n'est pas loin. Mais quand on entraîne Alain Deketele sur le terrain des sols, on ne l'arrête plus. Féru d'agronomie, il évoque avec passion l'alternance harmonieuse des rotations, comment faire se succéder les bonnes variétés, en tenant compte des ravageurs, des effets climatiques... « L'agriculteur est un gestionnaire d'équilibre », se définit-il.

À quelques mètres des champs et de la maison d'Alain Deke-tele, le centre de stockage fait sa fierté. « Voilà du blé qui partira chez Nestlé. Goûtez ! », lance-t-il au patron de Nestlé Céréales en lui tendant un seau rempli de graines. « Au bout d'un moment, c'est comme un chewing-gum », ajoute-t-il.

Plus de 1 500 tonnes de graines (blé, colza, orge) sont stockées dans six cellules qu'il a conçues et installées et dont il explique le fonctionnement : « Voici le convoyeur à ban de avec un chariot déverseur. Les grains sont refroidis par un ventilateur puis nettoyés et mis en cellule par lots homogènes. » Les silos Préférence commercialisés par la coopérative seront ensuite transportés par camion dans l'usine Nestlé d'Itancourt pour être transformés après un passage par un centre de nettoyage et de triage à Reims.

« Un tiers de la collecte est stocké dans les fermes, intervient Valérie Frapier. Cela répond à l'évolution des exploitations, qui grossissent en taille. Stocker permet à l'agriculteur d'être plus agile et plus compétitif. » Alain Deketele perçoit de la coopérative une prime de stockage de 8 à 17 € la tonne qui couvre les annuités d'un investissement sur vingt ans. Il a aussi acheté ses machines : trois tracteurs, trois semoirs et une moissonneuse-batteuse, qu'il partage avec son voisin. Il salue au passage l'effort de l'État sur les subventions pour les équipements.

Lui a toujours investi pour faire évoluer son activité. Alain De-ketele réfléchit à la suite. La charte Préférence l'a aidé à décrocher la certification environnementale de niveau 2. Il aspire au niveau 3, la HVE. « Ce label va démocratiser l'agroécologie, applaudit Nicolas Delteil. Il faut avoir ces pratiques sur ces volumes. Après le blé, nous pensons élargir notre charte Préférence à d'autres matières premières, comme la betterave. Tout ne peut pas être bio. »

« On a tenu bon »

Alain Deketele regrette de ne pouvoir répondre à cette demande du marché : « Je n'ai pas de solution technique pour le bio. Ce serait aller au cassepipe. » Valérie Frapier vole à son secours : « Il faut arrêter de s'autoflageller. L'agriculture française est considérée comme la plus durable à l'échelle de la planète. L'origine de l'agri-bashing, c'est le manque de communication. Il faut expliquer aux gens ce que nous faisons, et pourquoi. »

Alain Deketele opine : « Faire partager ce qu'on essaie de défendre, c'est sympathique... » Avec la fierté d'avoir répondu présent pendant la crise. « On a tenu bon. Les Français n'ont manqué de rien », se réjouit-il. Une satisfaction partagée avec le patron de Nestlé Céréales. 

par Sylvie Lavabre, à Remicourt - LSA